Retour aux sources, retour aux origines.
Je plonge dans mes souvenirs d'enfance à la ferme de mes grands-parents et je goûte à la joie de faire découvrir ces racines-là à mes enfants.
Le poulailler, le four à bois, les jeux dans la paille, les clapiers à lapin, le maïs picoré par les poules et égréné depuis l'escalier de l'atelier où Pépé réparait les horloges au milieu des sacs de blé, le chant du coq, les tracteurs et l'atelier qui croule sous le matériel et sent l'huile de vidange, le séchoir à tabac, les vaches et la bruyante traite et leurs produits dérivés, le bassin où trempait l'osier pour les futurs paniers, la meule pour aiguiser les couteaux, les chaussettes en laine tricotées par Mémé, les pêches de vigne, le tas de fumier, le potager et les confitures de fraises...
Que me reste-t-il de ces savoir-faire ? Combien ont disparu en quelques générations... ?
Nous passons plusieurs jours chez Philippe mon cousin agriculteur, producteur en bio des délicieuses noix que beaucoup d'entre vous connaissent, mais aussi de fraises en plein champ à venir cueillir soi-même pour le plaisir de nos papilles. Ses terres guérisseuses se trouvent à Saint Antoine, surplombant l'abbaye, et à Saint Appolinard, village voisin où habitent deux de mes tantes. Nous aidons Philippe et son papa Raymond à désherber les rangs de fraises. Il a fait le choix de ne pas mettre de plastique noir au pied des fraisiers, pratique qui se fait pourtant, même en bio. Il procède à différentes plantations entre les rangs et près des rangs pour couvrir et protéger la terre. Fèverolle, moutarde et tournesol ont le droit d´être là mais liseron, prêle, chenopode et autres non désirées sont arrachées à la main.
Les enfants se chargent de ramasser les fraises restantes pour être dégustées en tarte ou même nature. Gorgées de soleil, elles sont hyper savoureuses.
En parallèle, Philippe prépare la saison des noix. Dans sa démarche, il chercher à agrader le sol, plutôt que le dégrader, et donc fait régulièrement venir un agronome pour analyser la qualité et la vie du sol. Nous avons la chance d'assister à cette expertise, un moment très enrichissant.
Etienne, ingénieur agronome, fait une tranchée d'une profondeur d'environ 30 cm, pour à la fois en extraire une carotte en gardant l'organisation du sol et de ses couches la plus possible intacte, et observer la terre tout au long des bords de la tranchée.
- Est-ce qu'il y a plusieurs "horizons" (= couches) : la terre est-elle homogène ou bien au contraire pouvons-nous voir différentes couches qui traduisent une qualité de terre différente ? La terre est-elle plus ou moins compacte et friable ? Quelle est la taille des mottes de terre et peuvent-elles se casser en les écrasant entre les doigts ?
- Quelle est la qualité de la vie dans le sol = bioturbation (activité des vers de terre notamment et tout autre élément contribuant à l'aération et vie du sol) ? Y a-t-il beaucoup de trous, traduisant une belle activité dans le sol, ou peu ?
Tout cela est noté afin d'observer comment le sol évolue, comprendre l'impact des actions humaines et/ou végétales. Si le sol a été travaillé mécaniquement ou si le travail d'amélioration s'est porté sur le couvre-sol (plantes semées et fauchées à intervalle régulier)... Comprendre comment la nature réagit et comment faire évoluer les pratiques pour à la fois un meilleur rendement et un plus grand respect de la vie du sol, aussi en profondeur. Une vision à long terme et respectueuse du vivant !
Je fais des parallèles avec notre manière de concevoir la santé et le corps humain. Cherche-t-on à prévenir plutôt que guérir ? Le symptôme n'est que la partie immergée de l'iceberg et il est, à mon sens, judicieux de comprendre ce qui se joue en arrière-plan et soutenir les systèmes impliqués au-delà de celui où le symptôme s'exprime.
Dans tous les domaines, les pratiques divergent. Entre le conventionnel et ce qui le fera évoluer, il y a une marge où il faut oser sortir des habitudes, des traditions, se remettre en question, expérimenter, être en lien avec son environnement, comprendre comment agir avec lui et pas le subir.
La difficulté dans le monde agricole est que les aléas sont nombreux, entre les conditions climatiques, leurs évolutions et leurs dégâts, et que les résultats s'observent sur des délais longs dans le temps... La patience est de mise.
Je savoure de prendre du temps au sein de cette branche de la famille, que nous voyons souvent en coup de vent. Séance de réflexo à Jeanine, couture et cuisine chez Dany qui nous accueille généreusement, pêche à l'étang de Saint Bonnet avec ma cousine Christine, et quelques instants volés à Bruno, son mari, agriculteur aussi. Il nous fait faire le tour de ses champs de maïs, qu'il a fallu beaucoup arroser ces derniers jours avec la canicule. Nous découvrons les impressionnants enrouleurs ainsi que toutes les machines qu'il conduit pour divers travaux, comme par exemple poser des kilomètres de tuyaux pour que l'irrigation se fasse dorénavant depuis l'Isère et non depuis la nappe. Les enfants ont les yeux qui brillent... Je les laisserai vous raconter avec leur regard...
Nous découvrons aussi un univers bien technique avec Monika, la compagne de Philippe : la rénovation d'art. Spécialiste de la rénovation sur verre, elle a l'habitude des grands chantiers. Elle et son équipe ont rénové pendant plusieurs semaines les grandes peintures de l'abbaye. Un travail de titan et de précision, aussi soumis aux variations climatiques qui abîment les œuvres, en plus du temps qui passe....
Pour couronner le tout, nous profitons de plusieurs beaux repas en famille, nous permettant de voir quasiment tout le monde ici. Merci aux cuisinier.ère.s ! Je retrouve aussi les saveurs d'antan, les quenelles de Mémé, les haricots fondants, le coq de la basse-cour, sans oublier les délicieuses confitures...
Merci à tous pour votre accueil, votre générosité et votre enthousiasme et le temps consacré à nous faire découvrir votre quotidien !
Merci Anaïs pour ce voyage en terre agricole. J’ai l’impression de t’entendre en te lisant !
Ça me donne envie de vous rejoindre :-). Mais la rentrée approche…
La bise
Merci pour ces beaux souvenirs d enfance chez Mémé et ce tour familial qui permet de mettre en valeur les savoirs faire de chacun.
Coucou Anaïs
Je suis entièrement d’accord avec Michelle et Hélène, tu as un talent évident! Merci de nous le partager
Ta vision de la vie me touche beaucoup car même si je ne suis pas née ni élevée dans un milieu totalement paysan, ma famille maternelle vivait de la même manière que celle de tes grands-parents maternels, vaches , poules, fumier, foins en famille,et boucherie villageoise pratiquée par mon oncle André… des bons et des moins bons souvenirs, mais surtout celui d’une vie simple, authentique et souvent rude.
Amaël et Lohan ont de la chance de pouvoir connaître tout cela…
Gros gros becs à vous quatre et bonne suite!
Je confirme ce que dit Hélène : tu as vraiment des talents littéraires ! D'ailleurs tu as toujours aimé écrire.
Tout ce que tu racontes sur cette branche de ma famille me touche beaucoup. Pendant longtemps je n'ai pas aimé mes origines paysannes, Une fille en cinquième m'avait dit que j’étais "trop simple", ce que j'avais traduit par : "je ne suis pas intéressante, trop banale". Plus tard j'ai compris que cette simplicité c'était celle de la vie et que c'était au contraire une richesse que mes parents m'avaient transmise, celle des choses vraies, proches de la nature et non celles d'un monde gouverné par l'argent.
Merci Anaïs
Ta maman
Désolée faute de frappe Lohan bien sûr